Dans vos gazettes et BALDD
vous faites souvent référence à ARMAN "l'Américain".
Pouvez vous me dire, quand, pourquoi, avec qui et comment se décida
le premier voyage d'ARMAN aux États-Unis et qu'elles en furent
les retombées tant sur son art que dans sa vie ?
Thomas
Le premier voyage d'Arman aux État-Unis eut lieu en 1961, pour
sa première exposition américaine à la Cordier-Warren
Gallery; l'exposition ouvrait le 15 novembre.
En Europe, pour les artistes, New York symbolisait "l'Eldorado".
Yves Klein avait fait un premier voyage dans les années cinquante;
Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle vont s'y installer début
mille neuf-cent-soixante et Arman qui voit le début de la reconnaissance
de son travail au cours de l'année 1960 (à ce moment, ce
n'est plus lui qui "court "après les expositions, mais
les demandes de faire une exposition qui viennent vers lui) fait suite à cette
synergie et fait ce premier voyage qui va déterminer jusqu'à la
fin son organisation de vie entre la France et les États-Unis.
Il
voyage avec Éliane qui rentrera en France quelques jours après
le vernissage. Depuis deux ans environ, la structure familiale avec les
trois enfants empêchait leur mobilité commune à plein
temps. Arman s'absentait régulièrement pour assumer son
déploiement professionnel et Éliane assurait le suivi de
la vie familiale à Nice (c'est elle qui le remplaçait au "Foyer",
le magasin de meuble de son père qui constituait "l'alimentaire
de la famille"; les précédentes absences d'Éliane
pour son propre tremplin professionnel avaient été suivi
de quelques catastrophes dans la logistique de l'encadrement des enfants
et elle avait décidé au début de l'année
1958 de surseoir à ses propres voyages et de ne partir avec Arman
que quelques jours pour revenir à Nice rapidement). Le choix consensuel
de donner priorité à la carrière d'Arman intervient à ces
dates (c'est ce qui nous donne aujourd'hui cet important courrier entre
eux deux!).
Lors de ce premier voyage, outre Atlantique, Arman découvre New
York et son milieu de l'art. Il disait qu'il avait l'impression de se
retrouver dans ce qu'il avait lu, plus jeune, à propos de Montparnasse
et de ses acteurs. Il dit que "c'était là que cela
se passait, que Paris était mort. À New York il y avait
cette effervescence, cette émulation entre les artistes...".
Le fait est que lui qui "découvrait" le langage accumulatif,
fut frappé de plein fouet par la ville accumulation, des vitrines
des boutiques au trafic automobile, des monceaux d'ordures aux gratte-ciel.
Tout devait être, à ses yeux, comme une gigantesque œuvre
(Nouveau Réaliste...). Dans cette ville, le "VU, PRIS" trouvait
une expression démesurée. Il est tombé amoureux
de New York. Cet amour là ne l'a jamais déçu et
il lui est resté fidèle jusqu'au bout. Alors même
que la plus grande partie de son travail trouvait une résonance
en Europe, qu'il pût être judicieux d'y revenir, il choisit,
malgré les rancœurs qu'il gardait à l'encontre des
institutions culturelles américaines, de rester à New York.
Cela se comprend, il est des endroits sur cette planète où l'on
se dit en y posant le pied: "C'est chez moi ici...". |